Pacta sunt servanda (les parties sont liées au contrat conclu) – eh bien pas vraiment en droit du bail….
L’article 270 CO offre au locataire la possibilité de contester dans un délai de 30 jours après la conclusion du contrat son obligation principale : le montant du loyer !
Coté bailleur, on trouve difficilement audible et même déloyal de la part d’un locataire de contester le loyer prévu dans le contrat de bail qu’il vient de signer…
Côté locataire, la contestation initiale du loyer se révèle un outil intéressant pour éviter le « diktat » des bailleurs pour un bien – le logement – si essentiel à la survie dans un marché marqué par une pénurie.
Le présent article a pour objectif de présenter quelques éléments fondamentaux de l’action en contestation initiale du loyer, apportant ainsi un éclairage tant aux bailleurs qu’aux locataires. Il est à noter que les informations présentées ne sont pas exhaustives et que chaque situation devrait être analysée par un professionnel du droit.
Pour contester le loyer après la conclusion du contrat de bail, deux conditions formelles prévues à l’article 270 al. 1 CO doivent être remplies :
Le canton de Genève est confronté à une pénurie de logement. Ainsi, la seconde condition dans notre canton est toujours satisfaite dès lors qu’on se trouve dans l’une des deux hypothèses de l’article 270 al. 1 let. a CO.
Pour cette raison, l’usage de la formule officielle est obligatoire à Genève et cette dernière doit être fournie par le bailleur au locataire au moment de la remise de l’objet au locataire. Le bailleur distrait pourra encore la notifier au locataire jusqu’à 30 jours après la remise des locaux. Toutefois, le délai de 30 jours offert au locataire pour contester le loyer initial ne commencera à courir qu’à partir de la notification de ladite formule. Passé les 30 jours après la remise des locaux, la notification est inopérante ! Le locataire ne sera plus tenu par ce délai de 30 jours, sous réserve de l’abus de droit.
Plusieurs critères peuvent intervenir en fonction du caractère ancien ou récent de l’immeuble et de la disponibilité des informations.
Dans le cadre d’une contestation initiale du loyer, les critères suivants sont pris en compte : le rendement net ou brut de l’immeuble et la conformité du loyer avec ceux usuels dans la localité ou le quartier.
Leur application et priorité selon l’arrêt du Tribunal fédéral du 16 juin 2023 (4A_285/2022) sont fixées de la manière suivante :
Si l’immeuble est ancien (30 ans au plus depuis la construction ou la dernière acquisition), le critère des loyers usuels l’emporte sur le critère du rendement net. Néanmoins, le bailleur conserve la possibilité d’établir que l’immeuble ne lui procure pas un rendement excessif en s’appuyant sur le critère du rendement net.
Si l’immeuble n’est ni ancien ni récent, le critère du rendement net de l’art. 269 CO doit être appliqué. En cas de difficulté ou d’impossibilité de déterminer le caractère excessif du rendement net, il pourra toutefois être recouru au critère la conformité aux loyers usuels de la localité ou du quartier.
Le critère du rendement net est prévu à l’article 269 CO précise que le loyer est abusif lorsqu’il permet au bailleur d’obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu’ils résultent d’un prix d’achat manifestement exagéré.
En principe, le rendement correspond aux coûts de revient effectifs de l’immeuble auquel on a soustrait le montant des fonds étrangers.
Il est basé sur le revenu locatif annuel moins les intérêts hypothécaires annualisés et les charges. Le revenu net est multiplié par 100 et divisé par le montant des fonds propres.
Le rendement net est abusif lorsqu’il procure au bailleur un rendement net supérieur :
Au jour de la rédaction du présent article (11.03.24), le taux hypothécaire de référence s’élève à 1,75%. Ainsi, le rendement n’est pas abusif tant qu’il ne dépasse pas 3,75%.
Le rendement brut est lui mentionné à l’article 269a let. c CO. Il prévoit qu’en règle générale ne sont pas abusifs les loyers qui se situent, lorsqu’il s’agit de constructions récentes, dans les limites du rendement brut permettant de couvrir les frais.
L’article 15 OBLF précise que le rendement brut au sens de l’art. 269a, let. c, CO est calculé sur la base des frais d’investissement (al. 1). N’entrent pas en ligne de compte le prix du terrain, les frais de construction et d’acquisition manifestement exagérés (al. 2).
Concrètement, on prend l’état locatif brut qui est divisé par le prix de revient de l’immeuble. Le résultat est multiplié par cent.
Enfin, le critère de la conformité du loyer avec ceux usuels de la localité ou du quartier mentionné à l’article 269a let. a CO énonce que le loyer qui se situe dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier n’est en règle générale pas abusif.
Pour déterminer les loyers usuels dans la localité ou le quartier, l’art. 11 OBLF prescrit de se baser soit sur des loyers de logements comparables à l’objet loué quant à l’emplacement, la dimension, l’équipement, l’état et l’année de construction (al. 1), à l’exclusion des loyers découlant du fait qu’un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3), soit sur des statistiques officielles (al. 4).
Concrètement, le loyer usuel est déterminé par les statistiques officielles (art. 11 al. 4 OBLF), soit sur au minimum cinq logements de comparaison.
Si le loyer est considéré comme abusif, le juge fixera le montant du loyer (si aucun accord n’est intervenu devant l’autorité de conciliation entre le locataire et le bailleur).
Le locataire pourra requérir la différence entre les loyers payés et le montant du loyer nouvellement fixé. La garantie-loyer devra également être adaptée au montant du loyer.
Il faut bien avoir à l’esprit que l’enjeux financier peut être extrêmement important. Le locataire peut demander la restitution des loyers versés jusqu’à 10 ans précédant le dépôt de la requête en justice. Imaginons que le loyer est finalement fixé de CHF 300.- en deçà du loyer prévu dans le contrat. Le bailleur pourra être condamné à rétrocéder CHF 36’000.- !
Le locataire qui conclut un nouveau contrat de bail pourra contester dans les 30 jours le montant du loyer s’il le considère comme abusif. A Genève, il pourra se fonder sur la seule hypothèse de la pénurie de logement. Cela ne signifie pas encore que le loyer soit abusif.
Le juge ou les parties (dans le cadre de la conciliation) s’appuieront sur les critères susmentionnés pour conclure au caractère abusif du loyer.
Si tel est le cas, la garantie loyer devra être adaptée et le trop-perçu restitué sous réserve des délais précités.
Nous ne pouvons que recommander tant au locataire qu’au bailleur dans le cadre de procédure pour contestation de loyer de consulter un avocat.
Les avocats d’O&L Associés se tiennent à disposition tant des locataires que des bailleurs pour les conseiller en la matière ou les accompagner dans toutes démarches judiciaires nécessaires.